Pour André Chassaigne, rallier Jean-Luc Mélenchon serait porter « un coup fatal au parti communiste »

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Invité de l’émission « Questions d’info » sur LCP, le chef de file des députés communistes se dit « disponible » pour une candidature.

Jean-Luc Mélenchon peut-il être le candidat des communistes à l’élection présidentielle ? Alors que les militants du PCF sont appelés à voter lors d’une consultation qui s’ouvre jeudi 24 novembre, André Chassaigne répond clairement par la négative. « Si le choix de rallier Jean-Luc Mélenchon est fait, je le dis avec une conviction voire une forme d’émotion dans la voix, je crois que c’est véritablement un coup fatal qui sera porté au Parti communiste », a déclaré, mercredi, le député PCF du Puy-de-Dôme, invité de l’émission « Questions d’info » sur LCP en partenariat avec Le Monde, France Info et l’AFP.

Pour justifier son opposition au leader de « la France insoumise » le chef de fil des députés communistes a mis en avant la pratique du pouvoir de Jean-Luc Mélenchon qu’il qualifie de « pyramidale ». « J’ai lu la charte des insoumis. Si je la signe, je n’aurai plus de liberté de vote, cela veut dire que je reviendrai à une conception de la politique qui a été abandonnée par le PCF il ya plusieurs décennies » a- t -il fait valoir en ajoutant : « Chez les communistes, on a vu le résultat du culte de la personnalité. »

André Chassaigne a également dénoncé la ligne de l’ancien allié du Front de gauche qui ne conduira selon lui qu’« au repli et à l’isolement » alors que le PCF doit « reconstruire une gauche susceptible de gouverner le pays ».

« Bloquer l’arrivée de la droite »

A cinq mois de l’élection présidentielle, le PCF est en pleine turbulence. Pierre Laurent et la direction du PCF se sont déjà ralliés à la candidature de Jean-Luc Mélenchon quitte à se faire désavouer, en novembre, par la conférence nationale du parti. Selon André Chassaigne, ils ne l’ont pas fait « par conviction, mais par crainte que les candidats de la France insoumise aux élections législatives puissent empêcher certains candidats communistes de reprendre des sièges qu’ils avaient perdus notamment en 2012 ».

Se déclarant « disponible », André Chassaigne entend se battre jusqu’au bout pour défendre les couleurs du PCF à l’élection présidentielle. Alors que le PS organise sa primaire en janvier, il n’a cependant pas fermé la porte à une « candidature de rassemblement » de la gauche susceptible de « bloquer l’arrivée de la droite ». Ce rassemblement « ne peut pas se construire à n’importe quel prix. Il doit symboliser une gauche de combat contre la dérive libérale », a-t-il prévenu. Selon lui, François Fillon et Alain Juppé, les deux finalistes de la primaire de la droite, incarnent la même droite « décomplexée et réactionnaire ».

Le député du Puy-de-Dôme a confirmé qu’il serait candidat à sa succession aux législatives de juin. « Je sais que j’aurai un candidat de la France insoumise contre moi mais je n’ai pas l’habitude de vendre mon âme pour un plat de lentilles », a- t-il conclu.

 

Nous, Communistes

Un appel d’André Chassaigne pour la candidature communiste


Réunis en conférence nationale le 5 novembre à Paris, les délégués du PCF de tout le pays ont envoyé un message fort, dont la teneur et le sens profond méritent ici d’être précisés. Les médias l’ont en effet interprété comme un vote contre Jean-Luc Mélenchon. Cette lecture est superficielle. Certes, la personnalisation de cette candidature, comme son orientation, suscitent de justes interrogations auprès de nombre de nos militants. Il n’empêche, l’essentiel est ailleurs. Ce vote revêt un sens positif, constructif et dynamique.

Dans le contexte actuel, une candidature issue du parti communiste est légitime et nécessaire pour faire entendre la voix des communistes. Bien au-delà, elle a vocation à rassembler les progressistes de notre pays. Malgré les coups de boutoirs assénés depuis 2012 par les gouvernements socialistes, nous demeurons toujours animés par un « esprit de conquêtes sociales », par un attachement viscéral aux valeurs humanistes, celles de paix, de justice, de partage, d’égalité et de fraternité. Ces mots et ces valeurs nourrissent et animent l’engagement de nos militants dans tous nos départements.

Notre identité est une identité généreuse. C’est aussi une identité d’avenir, celle d’où viendra le salut de la gauche.

Alors que certains sont pressés d’enterrer les communistes et annoncent la fin de leur parti historique, nous sommes pourtant toujours vivants, debout, combatifs, force organisée et ouverte, présents dans les assemblées élues comme dans les combats menés par nos concitoyens.

Nous, communistes, avons vocation à fédérer le peuple de gauche, à unir tous les progressistes et former ainsi un front uni contre les forces de l’austérité et de la xénophobie.

Loin de toute ambition personnelle, nous pensons que les défis à relever sont collectifs : contrer à gauche la dérive libérale du parti socialiste, empêcher le retour au pouvoir d’une droite extrême et faire face au danger du Front National, refuser l’abandon de l’idéal progressiste de notre Contrat social hérité de la Révolution et de la Résistance.

Il revient aux communistes, forts de leur histoire faite de luttes sociales émancipatrices, de porter aujourd’hui une candidature de la révolte face à la résignation, une candidature qui rassemble, dans le respect, tous ceux qui souhaitent incarner une alternative à la dérive libérale qui gangrène notre société et désespère les peuples. Une candidature qui portera l’exigence et l’urgence de mettre en chantier une société nouvelle.

Une candidature qui n’affronte pas seulement la finance par les mots, mais par les actes, en s’appuyant sur les intelligences et les mobilisations sociales.

Cette fin de semaine, par leur vote, les communistes se doivent de prendre leur responsabilité devant l’Histoire, notre Histoire.

André Chassaigne, publié dans l’Humanité du 22 11 2016

PCF : faire le choix de l’audace !

Guillaume Sayon

https://guillaumesayon.wordpress.com/author/guillaumesayon/


Voilà nous y sommes. Ce week end de très nombreux militants communistes vont choisir la voie qu’ils veulent emprunter pour les échéances à venir. Deux choix s’offrent à nous. Le choix de soutenir Mélenchon ou le choix de construire une candidature issue de nos rangs. On pourrait discuter la formulation du bulletin de vote. On pourrait de nouveau rappeler que ce processus arrive bien trop tard. On pourrait s’insurger face aux sournoiseries en cours depuis la conférence nationale au travers du journal l’Humanité, ou même face au dernier billet de Pierre Laurent publié sur son blog qui fait comme si une importante majorité des participants de la conférence nationale n’avait pas fait un choix clair, libre, contraire à celui que ce dernier avait formulé la veille. Nous en avons vu d’autres et c’est avec la même constance que nous continuons à rester cohérent et à argumenter dans le respect et avec le soucis prioritaire de l’unité du Parti. Même si, et c’est suffisamment singulier pour le souligner, c’est une première de voir un secrétaire national désavoué à ce point.

La première chose qui me vient à l’esprit, c’est la fierté d’appartenir à cette grande famille communiste. Malgré toutes les tentatives successives depuis le début de l’année pour contourner l’hypothèse d’une candidature communiste, c’est en lucidité et en faisant preuve de beaucoup d’intelligence que de nombreux communistes font pourtant actuellement ce choix. Cela n’était pas évident puisque le parti est historiquement légitimiste. Des réseaux internes se sont constitués pour porter la contradiction se pliant toujours néanmoins au fait majoritaire. Cependant, très globalement, les communistes suivent la direction que nos congrès établissent et qui est déclinée dans le texte proposé par la direction sortante. C’est ainsi que la réaction à la mutation portée par Robert Hue a pris beaucoup de temps, que de trop rares camarades s’y sont opposés dès le départ. Même chose concernant Marie-George Buffet et le choix de participer aux collectifs antilibéraux. Alors que nous avions arraché une magnifique victoire en 2005 lors du référendum sur le projet de constitution pour l’Europe ouvrant un chemin intéressant, nous avons sans doute fait le pire des choix : nous engluer dans une fronde de groupuscules gauchistes qui partageaient tous un même trait de caractère, leur détestation du PCF. C’est ainsi qu’ils ont fait le choix tardif de José Bové alors que Marie-George Buffet avait été choisie par la consultation populaire. Le même José Bové et sa moustache légendaire qui siège aujourd’hui sur les bancs des Verts, à côté de Daniel Cohn-Bendit, au parlement européen. C’est ainsi qu’on peut relire avec délice Clouscard qui était sans doute le plus lucide des intellectuels sur ce qu’était mai 68 et les leaders de la trempe de Dany le rouge.

Il y avait à l’époque (déjà!) des collectifs antilibéraux, Clémentine Autain. J’ai une détestation viscérale pour ce genre de personnage. Après avoir profité d’un mandat d’adjointe à la mairie de Paris sur le contingent des communistes, elle a passé son temps ensuite dans les colonnes de son journal Regards, à cracher sur le PCF, à dire à quel point nous sommes rétrogrades, mauvais, arriérés. Elle a nourri, non sans un certain talent, les conceptions communautaristes, bras d’honneur aux dynamiques de classes qui se sont affaiblies avec les conséquences que l’on sait. Elle a pu compter et peut toujours compter sur le concours de Martelli, l’historien révisionniste, qui lui aussi ne manque jamais d’inspiration pour démolir le PCF. Les mêmes sont aujourd’hui ceux qui nous font la leçon, eux qui n’existent que grâce ou plutôt à cause du PCF. Et voilà que les « plus rouge que moi tu meurs » se rangent eux aussi derrière Mélenchon. Le PRCF, la Coordination Communiste … Pour de très nombreux membres de ces organisations j’ai du respect et de l’amitié. Mais l’enthousiasme dont ils font preuve pour s’immiscer dans nos débats internes et pour nous vendre les qualités incontestables du « Jaurès insoumis » devient délirant. Tous deviennent nerveux parce que les communistes restent insensibles à leurs manœuvres.

Dans le même temps, nous devons supporter l’insupportable. Les envolées hystériques du « fan club insoumis ». Tous répètent à la virgule près, le même prêchi-prêcha du grand chef. Nous devons subir des torrents d’insultes, des caricatures insidieuses. Pire encore, alors qu’ils pensent se draper du manteau souverain de la pureté révolutionnaire, ils ne se rendent pas compte qu’ils perpétuent la vieille tradition poujadiste, ce populisme abscons anti-parti. Beaucoup vont déchanter quand les élections de 2017 passées, la France insoumise deviendra un parti. Il arrive même parfois que le délire atteint de tels sommets qu’il nous est impossible de pouvoir y répondre avec raison. J’avoue que plus d’une fois j’étais partagé entre le fou-rire et la consternation. Et nous devrions donc donner de la force et du crédit à cette chose ?

Aucune remise en cause, aucune contradiction, aucune écoute raisonnable sur les arguments économiques ou sur le nucléaire. Dans les évangiles selon Jean-Luc c’est dit comme ça, point à la ligne. Vous leur expliquez que proposer la sortie du nucléaire demande à être discuté, que des bassins industriels entiers dépendent de l’existence de centrales, que là où on stoppe la production du nucléaire civil comme en Allemagne on finit par émettre beaucoup plus de gaz carboniques … Non Jean-Luc a dit on sort du nucléaire et c’est comme ça ! Je les invite donc à venir taper aux portes dans les quartiers avec nous, à se rendre à la sortie des entreprises et à l’expliquer aux salariés. On va rire deux secondes. Ce discours qui a sans doute une belle portée chez ceux qui n’ont jamais vu une usine ou qui se complaisent dans les discours faciles à la Al Gore, ne mesurent pas que l’urgence est à relancer la machine industrielle, seule capable de créer les millions d’emplois dont notre pays a besoin pour sortir du marasme économique dans lequel il s’enfonce toujours un peu plus. Bien évidemment il va falloir lancer d’importants programmes publics de recherche dans les énergies du futur, mettre des centaines d’ingénieurs au travail pour inventer la production énergétique de demain. Cependant, Le Pen triomphera dans l’électorat populaire si nous continuons à axer symptomatiquement notre discours là-dessus. L’édification de quelques centrales thermiques ou l’installation d’éoliennes en mer ne permettront certainement pas de répondre aux défis colossaux qui nous attendent pour éviter le pire. Des millions de français veulent pouvoir avoir la certitude de mettre quelque chose dans leur assiette et celle de leurs enfants. D’ailleurs, bien évidemment il est juste d’évoquer les problématiques des protéïnes carnées et des circuits courts. Mais combien de foyers n’ont plus la possibilité de manger de la viande ne serait-ce qu’une fois dans la semaine ?  Un peu de bon sens serait le bienvenu …

On pourrait parler également du fait que le programme proposé par la France insoumise ne propose pas de détruire les logiques systémiques qui fondent le modèle libéral. Encore moins le modèle capitaliste. Hormis la proposition du retour à l’impôt progressif et l’augmentation du Smic, rien de bien palpitant il faut le dire. Le programme de 1981 était plus révolutionnaire encore que celui de Mélenchon. Dans le projet de la France Insoumise, on propose un plan de relance via le vecteur de l’économie verte aux potentialités réelles il est vrai, mais limitées. Quid de la nationalisation bancaire ? Quid de la place des salariés dans l’entreprise et de la possibilité de prendre progressivement le pouvoir dans cette dernière ? Quid des moyens proposés pour mettre fin à l’exil fiscal ? … Mélenchon travaille à perpétuer l’héritage du réformisme social-démocrate. Par ailleurs la révolution citoyenne, la refonte institutionnelle ne peuvent pas et ne doivent pas se limiter à un bidouillage constitutionnel qui ressusciterait la quatrième République et à inscrire la règle verte dans la prochaine constitution. Règle verte qui, si nous l’avions suivie à la lettre jusqu’ici, ferait que nous vivrions encore aujourd’hui à l’âge de pierre. La démocratie elle doit avant tout exister dans les entreprises et au travers d’assemblées populaires locales.

Bref j’invite mes camarades à aller au-delà l’enrobage qui peut paraître séduisant. Voyez l’arrivée de la droite la plus réactionnaire depuis la guerre et l’urgence de porter une alternative ambitieuse, véritablement révolutionnaire. De terribles années nous attendent sûrement et il va falloir une force organisée, patiente, militante pour pouvoir y faire face. Pas une auberge espagnole où l’on apprend par cœur son catéchisme pour ensuite le répéter en boucle sur les réseaux sociaux. Il faut des militants qui se forgent une conscience reposant sur une matrice philosophique solide, un marxisme de notre temps, une approche dialectique et matérialiste de l’histoire. Comment un militant qui pense qu’un homme peut tout changer peut-il avoir conscience de ce que sont les rapports de classes ? Que sans luttes, le progrès démocratique n’est rien ? Que la démocratie bourgeoise ne pourra jamais aller plus loin que ce qu’elle est ? Il ne s’agit pas de problématiques anodines mais bien du cœur de notre engagement.

Ne permettons donc pas, nous communistes, à cette entreprise de s’imposer seule dans le paysage alternatif. Ne nous abandonnons pas dans cette dynamique qui s’avérerait fatale en fin de compte. Nous subissons aujourd’hui encore les errements et renoncements du rassemblement autour du programme commun, ceux qui résultent également de la gauche plurielle qui a permis à Le Pen d’accéder au second tour de la présidentielle pour la première fois. Tirons donc les enseignements de nos échecs passés.

Que deviendra la France Insoumise sans son chef ? Ces gens qui n’ont pas l’expérience du temps long, qui n’ont pas l’expérience de la force collective pour surmonter l’adversité, les défaites successives, retrouverons-nous les demain pour empêcher les plans de la bourgeoisie de se réaliser ? Après 2012, où étaient-ils tous passés ? Pourquoi nous sentions-nous finalement si seul pour continuer la bataille ? Le candidat Mélenchon dans la circonscription d’Hénin-Beaumont, pourquoi n’est-il jamais revenu ? Pourquoi n’était-il pas, il y a peu, avec nous devant le local du Secours Populaire pour s’opposer à la sale manœuvre de la mairie FN ? Pourquoi pour s’opposer aux expulsions locatives il n’y avait que les communistes ?

Toutes ces interrogations doivent guider notre choix. Ne nous laissons pas endormir par les sondages ou les discours aventureux des uns et des autres. Le PCF ne rassemble plus parce que depuis des années nous nous sommes convaincus que nous n’en avions plus la force, la capacité. Pourtant, localement, lorsque nous sommes actifs, organisés, que nous ne renions pas ce que nous sommes, nous nous renforçons, nous rassemblons. Il est clair que nos concitoyens réclament de l’authenticité, de l’audace, du courage et une force qui leur ressemble. Non pas une simple bulle médiatique. Non pas de beaux discours bien prononcés. Nos idées ont de l’avenir. Elles ne pourront survivre et grandir que si elles sont portées par une organisation capable de ne pas flancher, capable de se déployer vite et bien, d’être en prise avec le réel, dans les quartiers et les entreprises. Alors camarades, l’heure n’est pas venue d’abdiquer ou de faire un choix contraint et forcé. L’heure est venue d’exister.

G.S